Les serbes sont de grands consommateurs de produits boulangers. D'ailleurs, si vous venez à Belgrade, vous remarquerez qu'il y a beaucoup de boulangeries, certaines traditionnelles, d'autres ultra modernes. Tout le monde ici est d'accord pour dire que, si vous avez des envies d'entrepreunariat, l'un des rares artisanats avec lequel vous êtes sûrs de ne pas faire faillite dans cette période de crise économique et financière, c'est la boulangerie.
Çà a l'air bien bon
Le petit déjeuner est un repas très important en Serbie. Si vous avez la chance de séjourner dans des chambres d'hôtes qui offrent à leurs visiteurs une expérience ethno, vous verrez que le petit déjeuner serbe traditionnel est plus que riche. Cependant, dans les villes, les habitudes traditionnelles ont changé à cause du nouveau rythme de vie si bien que les boulangeries sont devenues les fournisseurs principaux des petits déjeuners pris en vitesse, en chemin jusqu'à son lieu de travail ou durant la pause au bureau.
Dans les années d'après-guerre et jusque dans les années 80, les horaires de travail étaient différents des horaires européens. On travaillait environ de 7h du matin jusqu'à 14h30 ou 15h, si bien que pour ceux qui voyageaint assez longtems pour se rendre à leur lieu de travail, il était difficile de prendre le petit déjeuner à la maison. La pause d'une demie-heure au travail n'était donc pas la pause déjeuner, mais la pause petit déjeuner, entre 8 et 10 heures du matin. Aujourd'hui, les horaires de travail sont alignés sur ceux des pays de l'Europe de l'Ouest mais quand on prend sa pause, on dit encore "Idem na doručak": Je vais prendre mon petit déjeuner. Même s'il est déjà midi. En principe, on saute en vitesse jusqu'à la boulangerie la plus proche.
Produits boulangers traditionnels
Rien de mieux, pour combler un petit ou un grand creux d'estomac, que la spécialité héritée de l'empire Ottoman: le Burek (bourek). On peut le manger le matin, au déjeuner, le soir. C'est une sorte de tarte faite avec des feuilles épaisses de pâte sans levure, assez grasse, dont la farce peut être de la viande hachée à l'oignon, du fromage ou encore, pour ceux qui préfèrent les légumes, des épinards. Pour les versions sucrées du burek, on utilise des cerises griottes ou des pommes et, pour ceux qui jeûnent, il y a également le burek vide "Prazan burek". Incontournable, le yaourt à boire. Il accompagne traditionnellement tous les produits boulangers salés.
Burek à la viande hâchée, yaourt obligatoire et le papier gras d'emballage
Il éxiste également des versions traditionnelles serbes du "burek": "Pita", "Gibanica", "Savijača". Ces sortes de tartes diffèrent du burek turc par l'épaisseur des feuilles et par leur forme. Pour la "Gibanica", on utilise seulement du fromage en tant que farce, tandis que la "Pita" et la "Savijača" peuvent avoir toutes sortes de farces salées ou sucrées.
"Gibanica" au fromage
"Savijača" du mot "savijati" qui signifie "tordre"
"Pita" aux pommes
L'offre des boulangeries est aujourd'hui très large et, outre les produits traditionnels, on peut également y trouver des pizzas, des sandwichs, des pâtisseries, des salades, des desserts et tout ce qui peut nourrir les clients affamés.
Le coin pizzas et crêpes dans la boulangerie "Tazé"
Des sandwichs à la viande panée
Sandwichs à appaiser une faim de loup
À cause de l'emploi du temps de plus en plus chargé et du fait que, bien souvent, les horaires de travail ne sont pas respectés et que tout le monde fait des heures supplémentaires (et oui, le capitalisme féroce est arrivé en Serbie), on mange à la boulangerie, en vitesse, entre deux obligations.
La boulangerie est ainsi dire devenue un fast food. On y mange debout, à une table haute ou un comptoir oubien, dans certains cas, assis confortablement à la terrasse, et ceci à toute heure de la journée. Et de la nuit. Car certaines boulangeries sont ouvertes 24 heures sur 24, surtout dans le centre ville, comme la boulangerie TAZÉ dont je remercie les aimables employés pour leur coopération. Alors, même en pleine nuit, avec seulement quelques sous en poches, vous ne pouvez pas avoir faim à Belgrade. Et rien de plus agréable que l'odeur du pain ou des croissants chauds.
On mange en vitesse, debout à un comptoir ou bien installé autour d'une table
Entre deux cours, déjeuner entre copines
Les sourires des boulangères
Soit dit en passant, le mot "taze" est d'origine turque et dans la langue serbe, il signifie "frais", 'fait aujourd'hui". Sans aucun doute, les produits de cette boulangerie le sont :) Bon appétit!
L'un des nouveaux symboles de la ville de Belgrade, depuis quelques années déjà, est le Temple de Saint Sava qui est situé dans la municipalité de Vračar (Vratchar).
Le temple de Saint Sava
Comme je vous l'ai déjà raconté dans mon billet sur la municipalité de Palilula, l'Allume Pipe, les municipalités de la ville de Belgrade portent des noms qui, pour la plupart, sont liés à des détails géographiques ou à des moments historiques. Le mot "Vračar" signifie "sorcier".
L'une des versions de l'origine de ce nom est liée à un personnage du XVIème siècle, renégat et infidèle, qui vivait dans une baraque à cet endroit. Cependant, il faut savoir qu'à cette époque, Belgrade était beaucoup plus petit qu'il ne l'est aujourdhui. Dans mon billet décrivant la Place de la République qui est aujourd'hui le centre ville, je vous ai parlé de la porte Stambol (Istanbul) qui se trouvait à l'endroit de la place actuelle et qui était alors pratiquement à la limite de la ville.
Le quartier de Vračar est déjà mentionné dans des documents de l'époque mais il ne se trouvait pas à l'endroit où il se trouve aujourd'hui. En fait, depuis la porte Stambol, la route pour Istanbul menait tout droit vers l'emplacement actuel du parc Tašmajdan et là, au bord de la route, se trouvaient un grand nombre de gitanes qui lisaient l'avenir dans la paume des mains des voyageurs. En ces temps-là, les voyages étaient plus qu'incertains si bien qu'une prédiction de l'avenir était toujours bonne à prendre. C'est donc à cause des gitanes diseuses de bonnes aventures et un peu sorcières que le quartier était appelé "sorcier": Vračar.
Durant l'occupation turque, le culte de Saint Sava était très fort en Serbie et, en 1594, en réponse à une insurgion du peuple contre les autorités turques, le Pasha Sinan ordonna que les restes du saint homme soient transportés à Belgrade depuis sa sépulture dans le monastère Mileševo et brulés en public, en tant que leçon au peuple serbe. La plupart des Belgradois vous diront que cet événement tragique eut lieu à l'endroit où se trouve aujourd'hui le temple dédié à Saint Sava. Cependant, vu la taille réelle de la ville à l'époque, il est plus probable que cet acte se déroula à l'emplacement actuel du Parc Tašmajdan, dans le Vračar d'antan.
Une fresque représentant Saint Sava dans le monastère Studenica
Saint Sava est né dans une famille de souverains. Son nom civil, avant de s'être fait moine était Rastko Nemanjić et il était le fils cadet de Stefan Nemanjić (Roi de Serbie de 1217 à 1228). À l'âge de 15 ans, il fut envoyé par son père dans une province au sud de la Serbie afin d'y forger son expérience de futur homme d'état. Il était prévu qu'il soit souverain, il a choisi de servir Dieu.
C'est pourquoi il s'enfuya et se trouva refuge dans l'un des monastères de la Montagne Sacrée, en Grèce, qui est l'un des hauts-lieux de la religion orthodoxe. Quelques années plus tard, son père abdiqua et lui-même devint moine, prenant le nom de Siméon. Ensemble, ils construirent le seul monastère serbe sur la Montagne sacrée: Hilandar.
De prince, il devint moine, puis abbé principal du monastère Studenica, aujourd'hui sur la liste du patrimoine de l'UNESCO, construit par son père en 1190. Il fut homme de lettres, diplomate et premier archevêque de l'Église orthodoxe serbe autonome. Il est véritablement révéré en Serbie pour sa piété, sa modestie et sa sagesse. Il trouva la mort au retour de l'un de ses pélerinages en Terre Sainte, en 1236, sur le territoire de la Bulgarie. Du fait qu'il dédia sa vie à éduquer le peuple et à le rapprocher de la religion chrétienne, il est également considéré comme le Saint protecteur de l'Éducation, si bien que toutes les écoles en Serbie fêtent Saint Sava le 27 Janvier.
Fresques à l'entrée du temple
L'histoire de ce temple a commencé il y a bien longtemps, en 1895, lorsque fut créée l'association pour la construction du temple Saint Sava à Vračar, éxactement 300 ans après l'incinération des reliques du saint homme.
À l'endroit prévu pour la construction du temple se trouvait une petite église qui fut détruite. En 1905, lors du premier concours architectural, tous les plans soumis par les architectes furent refusés car aucun ne remplissait les conditions désirées pour faire honneur au saint homme. Les conflits balkans, puis la première guerre mondiale, stoppèrent toutes les initiatives. En 1926, lors du second concours architectural, le gagnant fut désigné et, en 1935, les premiers travaux commencèrent.
Cependant, à son tour, la deuxième guerre mondiale brouilla tous les plans. La construction qui mesurait déjà une dizaine de mètres de hauteur fut utilisée par l'armée occupatrice en tant que parking. À la fin de la guerre, le régime communiste ne lui fut pas plus favorable et le temple fut utilisé à différentes fins jusqu'en 1985, lorsque l'Eglise Orthodoxe Serbe obtenut finalement l'autorisation de continuer les travaux.
Sur le parvis où se trouve le temple, on peut également admirer un autre bâtiment religieux: l'église Saint Sava, construite en 1935, en un temps record de 57 jours. Elle est merveilleusement décorée et les fresques sur les murs et sous les coupoles sont les répliques de fresques faisant partie du patrimoine religieux serbe du moyen-âge. À l'arrière de l'église se trouve une statue représentant Saint Sava.
Le temple et l'église Saint Sava
Statue de Saint Sava
Détail de l'intérieur de l'église Saint Sava
Sur le plateau à l'avant du temple se trouve la statue de Karađorđe, grand nom de l'Histoire serbe, héro de la lutte contre les turcs et fondateur de la ligne royale Karađorđević. Đorđe Petrović de son vrai nom, il fut surnommé Karađorđe, Đorđe le Noir, par les turcs. J'aurai l'occasion de vous en reparler.
La statue du héro Karađorđe
Le temple dédié à Saint Sava est absolument magnifique. C'est le plus grand temple orthodoxe du monde et, bien que l'intérieur ne soit pas encore achevé, il est une escale obligatoire pour tous les touristes venant à Belgrade.
Par exemple, jusqu'à la fin Novembre on peut se promener dans la forteresse Kalemegdan au milieu des dinosaures. Le musée d'Histoire naturelle à Belgrade a organisé une exposition intitulée "Bienvenus au mésozoïque". Ces grandes bestioles font surtout la joie des petits qui semblent ne pas être impressionnés par leur taille et leur air féroce.
Musée d'Histoire naturelle
J'ai faim et vous, vous avez l'air apppétissant
Ils donnent quand même la chaire de poule. Le "Jurassic park", pas pour moi, merci.
Aujourd'hui, ce n'est pas le Jour "J" à Belgrade, c'est le Jour "P": Parade et Poutine.
Je ne suis pas vaiment fan des bains de foule, surtout si je ne suis pas accompagnée et j'ai demandé à mon mari si çà lui disait d'aller voir passer la parade. Il m'a répondu que les seules parades auxquelles il ait jamais assisté était celles en l'honneur de Tito, lorsqu'il était petit, et uniquement parce que c'était l'occasion de ne pas aller à l'école. Alors, je suppose que je ne peux pas compter sur lui. En plus, le match de foot entre la Serbie et l'Albanie et l'incident qui s'y est produit m'a donné certains doutes concernant les mesures de sécurité, alors je vais réfléchir encore un peu :)
Cependant, je vais quand même marquer cette journée un peu particulière en parlant de ceux qui ont mérité que l'on se souvienne d'eux: les soldats de l'Armée Rouge et de l'Armée de Libération Populaire de la Yougoslavie qui ont participé à la libération de Belgrade, il y a presque 70 ans jour pour jour, le 20 octobre 1944.
Dans la forteresse de Kalemegdan, une exposition en plein air de photos authentiques de l'époque est dédiée à ces courageux jeunes gens qui se sont battus et qui ont, en grand nombre, trouvé la mort dans le but de chasser l'occupateur nazi.
Photo de couverture de l'exposition: "l'Histoire d'une autre vie"
Au mois de Mars 1941, le Prince Pavle Karađorđevic accepta l'intégration du pays dans le Pacte Tripartite dont les pays fondateurs étaient l'Allemagne, l'Italie et le Japon. Le 27 Mars, le peuple en colère participa à des démonstrations qui aboutirent au putch militaire ayant pour but d'empêcher le gouvernement de signer ce pacte. Des paroles célèbres furent alors déclamées: "Bolje rat nego pakt, bolje grob nego rob" ("Mieux vaut la guerre que le pacte, mieux vaut la tombe que l'esclavage").
Dès les premiers jours de l'occupation, un fort mouvement de résistance émergea à Belgrade. Leur slogan: "Mort au fachisme, liberté pour le peuple". Leur mission: saboter les positions allemandes.
Monument dédié aux résistants dans la forteresse Kalemegdan. Le slogan célèbre y est gravé: "Mort au fachisme, liberté pour le peuple"
Petite digression: la série (Yougoslave) qu'on ne se lasse jamais de regarder lors des reprises télévisées traite justement du sujet de la Résistance durant l'occupation allemande et met en scène des héros qui ont ont suscité le respect de générations entières de spectateurs: "Le retour des radiés" (Povratak Otpisanih).
La bataille pour la libération de Belgrade commença le 12 Octobre 1944. Dans les jours qui suivirent, près de 1000 soldats soviétiques trouvèrent la mort, aux côtés de presque 3000 combattants de l'Armée de Libération Populaire de la Yougoslavie.
7000 kilomètres de route pour chasser l'occupateur allemand
Nikolaj Kravcov, 23 ans, soldat soviétique tombé à Belgrade. Le seul à avoir obtenu le statut de "Héro de l'URSS" pour son combat durant la libération de Belgrade
Détail intéressant de l'exposition, certains soldats soviétiques tombés dans la bataille furent enterrés au lieu même où ils ont péri, dans la rue, sous un arbre, dans la cour d'une maison. Sur la place actuelle de la République, dans le centre ville, un grand nombre fut enterré comme signe de profond respect de la part des Belgradois et un monument en leur hommage fut érigé à cet endroit. Ce n'est qu'après la mort de Staline que leurs restes furent exhumés et enterrés dans le Cimetière des Libérateurs de Belgrade, dans la rue Roosevelt.
Les tombes des soldats soviétiques
En haut à droite, les enfants sur la tombe d'un soldat, sous un arbre. En bas, la Place de la République et les cercueils
À gauche, le monument en hommage aux soldats soviétiques sur la Place de la République
Les femmes ont également pris part dans la bataille pour la libération de Belgrade et de nombreuses Partizanes sont entrées dans l'Histoire. Leur lutte a changé la position sociale des femmes dans l'après-guerre. Certaines photos de l'exposition représent les premières femmes qui ont régulé la circulation dans les rues de Belgrade, travail qui était jusque là réservé aux hommes.
Les femmes après la guerre
Poutine ou pas, tous les protagonistes de la bataille pour la libération de Belgrade ont mérité cette parade en hommage à leur courage et à leur sacrifice.
Personne ne sait avec certitude quand a été construit cet édifice qui porte aujourd'hui le nom de "Maison de Manak", mais les historiens supposent que la construction a eu lieu à peu près en même temps que celle du palais de la Princesse Ljubica et de la kafana "?" (le point d'interrogation), aux alentours de 1830.
La Maison de Manak aujourd'hui
La rue où se trouve la Maison de Manak s'appelait alors Savamalska, dans le quartier de Savamala. Cette rue porte aujourd'hui le nom d'un personnage célébre, en cette année qui marque le centenaire de la Grande Guerre: Gavrilo Princip. La maison est l'un des rares édifices de style balknique à Belgrade qui date du temps du Prince Miloš Obrenović, avant que celui-ci n'entame son ambitieux projet de faire du quartier de Savamala un quartier moderne et attrayant pour les hommes d'affaires.
Manak Mihajlović, marchand de Macédoine, s'installa à Belgrade dans la première partie du XIXème siècle et construisit cette maison. Il semble que, durant les travaux de modernisation du quartier, elle ait été la seule maison qui n'ait pas été détruite et qu'elle ait servi par la suite de relai de poste où les cavaliers pouvaient se restaurer et se reposer après les longues distances parcourues à cheval.
Ce qui est corroboré par des documents de l'époque, c'est le fait que, dans les années 70 du XIXème siècle, la maison fut rachetée par Manojlo Manak, d'origine grecque, au lien de parenté éloignée avec le premier propriétaire Manak Mihajlović. Au rez-de-chaussée, il ouvrit une boulangerie et, bien entendu, une kafana. Il vivait au premier étage. C'est depuis cette époque que la maison porte le nom de Manak, du nom de la kafana Manak appelée ainsi en hommage au premier propriétaire.
La kafana Manak au rez-de-chaussée
Dans les années 60 du XXème siècle, la Maison de Manak était sur le point de s'écrouler sous le poids des années de négligence. Les travaux de restauration entrepris alors et le statut de monument national ont permis de sauvegarder cet édifice.
Aujourd'hui, la Maison de Manak est une dépendance du Musée ethnograpique et offre à ses visiteurs une exposition unique des costumes nationaux de cette région centrale des Balkans. Dans la collection sont particulièrement présents les habits des régions sud de la Serbie et de l'ex-Yougoslavie, surtout le Kosovo et la Macédoine. Les ornements de tête, les bijoux (bagues, bracelets), les boucles de ceintures sont égalements exposés.
Cette collection est l'oeuvre de Hristifor Crnilović, peintre, explorateur et collectionneur, décédé en 1963.
Auto-portrait de Hristifor Crnilović
Les objets personnels de Hristifor Crnilović pour son travail d'explorateur
Vêtements nationaux
Ornements
La maison de Manak est un joyau de la ville de Belgrade, qui lui-même abrite un trésor: l'identité et l'Histoire de ceux qui peuplent ce coin des Balkans, à travers les couleurs et les motifs de leurs vêtements nationaux d'antan.